Deux articles ce mois-ci détaillent l’ambition du projet Porte de la Loire à Tours, une nouvelle entrée de ville portée par la municipalité et conçue par Arte Charpentier.


Le Monde éco & entreprise (8-9 mai) : 
Tours repense son entrée de ville

Le haut de la rue Nationale à Tours a eu son heure de gloire. Entrée de ville prestigieuse à la fin du XVIIe siècle puis cœur de ville jusqu’au début du XXe siècle, son destin s’est trouvé bouleversé  en 1904  par  la décision de déplacer I‘hôtel de ville a proximité de la place du Palais de Justice plus au sud. La reconstruction de ce lieu quasiment rayé de la carte
par les destructions de la seconde guerre mondiale n’a pas réussi à lui rendre la splendeur d’autrefois.

Cette  période de « disgrâce » pourrait bientôt être révolue : « Nous voulons redonner a cette entrée historique du cœur de la cité la majesté, le statut, la vitalité,la qualité quelle mérite », lance Serge Babary, le maire de Tours.

Espaces verts et centre de création

Les aménagements prévus sont à la fois commerciaux et  culturels. « À I’image des bâtiments d’autrefois, deux immeubles s’inscriront de part et d’autre de la rue Nationale et auront  vocation à accueillir deux hôtels. S’y ajouteront des commerces et une quarantaine de logements », explique le maire. Ce  réaménagement va  aussi  permettre de dégager I’espace autour de I’église Saint-Julien  pour y implanter des espaces verts le long de la Loire et le futur Centre de création contemporaine Olivier Debré. Le tout doit être livré en 2018.

Ce projet a été confié par la Société d’équipement de la Tourame à I‘agence parisienne Seura qui en a imaginé le plan urbain. Le cabinet Arte Charpentier a dessiné les deux ensembles réunissant hôtels, commerces et logements côté Loire tandis que le cabinet portugais Aires Mateus a conçu le futur centre Olivier-Debré.
« À l’échelle de la ville, le projet ancre dans la tradition par les matériaux et les couleurs employées  mais se tourne vers I’avenir par son design contemporain », expliquait Andrew Hobson, I’architecte d’Arte Charpentier lors de la présentation du projet en avril 2015.

La mairie en a profité pour élaborer une charte à I’adresse des promoteurs, aménageurs, bailleurs, architectes. « J’ai été suffisamment critiqué envers la politique urbaine conduite sous la précédente mandature, qui a privilégié la construction de petits logements pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Nous devons répondre aux besoins des familles qui sont obligées de s’éloigner du centre», souligne I’édile. Une situation qui expliquerait  selon lui la baisse de population intra-muros enregistrée depuis 2008.

Colette Sabahly


L’Express supplément (4-10 mai) : 
Chambres avec vue

Le projet d’aménagement du haut de la rue Nationale prévoit la  construction  de deux hôtels Hilton, de commerces, de logements et d’un centre de création contemporaine. Le tout offrant un magnifique panorama sur le  fleuve.

Autour de la place Anatole-France, qui surplombe la Loire, c’est le calme avant l’effervescence. Non loin des barrières de travaux et des plots signalétiques qui jalonnent les trottoirs, de grands panneaux annoncent le lancement d’un vaste « projet urbain en haut de la rue Nationale ». Soit la sortie de terre prochaine de près de 20 0OO mètres carrés de nouveaux bâtiments à la fois culturels, touristiques et commerciaux, auxquels s’ajoutent de vastes opérations de logement et de requalification des espaces publics. « Rendre sa splendeur à cet emplacement, jadis aussi stratégique que majestueux », telle est l’ambition du maire (les Républicains), Serge Babary, qui poursuit l’œuvre lancée par son prédécesseur socialiste, Jean Germain.

Des bâtiments qui font la fierté des Tourangeaux

Pour bien comprendre ce clin d’œil au passé, un retour en arrière s’impose… Comme elle a belle allure cette entrée nord de Tours au XVIIIe siècle ! L’élévation d’un arc de triomphe à la fin du siècle précédent n’était qu’un prélude. Autour du pont de pierre flambant neuf, conçu en 1779 pour faire  passer la nouvelle route d’Espagne, quatre pavillons d’octroi  reliés par des grilles
se dressent fièrement. Tandis que deux bâtiments jumeaux monumentaux encadrent la grande artère fraîchement creusée dans la continuité du pont et baptisée « rue Royale » : à droite, l’hôtel de ville, achevé en 1786 ; à gauche, le musée, inauguré plus tard, en 1828. « Leur architecture reste assez sobre, explique Jean-Luc Porhel, directeur des Archives, de la documentation et du patrimoine de la ville de Tours. Mais l’ordonnancement grandiose et la taille des bâtiments font l’orgueil des Tourangeaux et suscitent l’admiration des voyageurs de passage. » Petit à petit, la place des Arts (future place Anatole-France) s’affirme comme un lieu d’animation, où se déroulent manifestations publiques et culturelles, foires, événements festifs…

Las, le 19 juin 1940, les bombardements s’abattent sur le site, très vite dévoré par les flammes. Toujours debout, au milieu des décombres, l’église Saint-Julien fait alors figure de rescapée. Après-guerre, Pierre Patout, architecte de renom chargé de la reconstruction du quartier, affiche son ambition de le refaçonner à l’identique. Mais, pour des raisons budgétaires, son plan est fortement revu et l’effet de symétrie si caractéristique est rompu. L’esprit initial se voit surtout dénaturé par l’installation, entre 1953 et 1958, de plusieurs magasins surmontés de « ponts promenades » enjambant la rue Nationale. Ces fameux ponts, vite devenus inaccessibles, ne seront jamais acceptés par les habitants. D’autres projets sont, par la suite, jugés prioritaires, tels ceux des quartiers Sanitas, de Tours-Nord, des Rives du Cher ou des Deux-Lions… Le haut de la rue Nationale attendra. En 2012, le maire, Jean Germain, décide enfin de rouvrir le dossier. « Finalement, nous ne faisons que poursuivre l’œuvre de Pierre Patout, qui avait été coupé dans son élan », explique Serge Babary. L’installation du Centre de création contemporaine Olivier-Debré (CCCOD) sur l’ancien site de l’école des beaux-arts fait partie des futurs bâtiments phares. Certaines œuvres du peintre, célèbre pour ses représentations de la Loire, y seront exposées. Mais le centre a surtout pour vocation de s’ouvrir aux grands noms de la scène artistique ainsi qu’aux jeunes créateurs. Les travaux de ce vaste espace de 4 500 mètres carrés, imaginé par l’agence d’architecture portugaise Aires Mateus, devraient se terminer à l’automne prochain. L’inauguration est prévue pour mars 2017.

Pour adoucir  l’aspect  minéral du quartier, de nouveaux espaces verts verront le jour au sein du cloître de l’abbaye Saint-Julien, qui retrouvera ainsi sa fonction déambulatoire, et à
côté du CCCOD, grâce à l’aménagement du jardin François Ier. Enfin, les rues alentour bénéficieront d’un vrai lifting.  Serge  Babary évoque une nouvelle « agora piétonne » de 11 000 mètres carrés, sur laquelle le public pourra déambuler. À cela s’ajouteront 4 800 mètres carrés de commerces et de restaurants, ainsi que 3 100 mètres carrés d’habitation (soit 40 logements).

Quand l’aménagement  d’un quartier fait grincer  des  dents

Sur le site des anciens « ponts promenades » seront érigés deux hôtels Hilton offrant une  capacité  totale d’environ 170 chambres. Andrew Hobson, architecte du cabinet Arte Charpentier, de renommée mondiale – on lui doit notamment l’Opéra de Shanghai -, évoque des façades en métal et en verre qui permettront  de  « jouer  avec les  reflets  de  la Loire ». Si le délai est respecté, ces établissements ouvriront leurs portes en 2018. « Posséder deux hôtels de cette envergure est une véritable chance pour une ville moyenne  comme  la nôtre, se félicite Françoise Amiot, adjointe en charge de l’urbanisme. Ils devraient contribuer au rayonnement de Tours en attirant une clientèle d’affaires et de touristes. » Ce qui  fait  craindre à  Emmanuel Denis, conseiller municipal (EELV), une dérive un peu trop « élitiste ». « Tous les Tourangeaux doivent pouvoir profiter de ce quartier, qui est l’un des plus agréables de la
ville
», prévient-il. Et l’élu de poursuivre : « Pour introduire davantage de mixité, nous avions plaidé pour l’implantation d’une  auberge  de jeunesse  au milieu de ce nouvel ensemble. » L’idée n’a pas été retenue. Cécile Jonathan, élue PS, qui siège avec lui sur les bancs de l’opposition, regrette, pour sa part, un « manque de concertation », notamment sur les choix architecturaux. « On a l’impression que les décisions ont été prises dans le bureau du maire sans qu’il y ait véritablement  de débats publics », dénonce-t-elle. Des bémols mineurs. Le
projet, qui a été lancé puis poursuivi sous deux mandatures de couleur différente, recueille plutôt le consensus des élus. Reste à voir si les habitants réussiront à s’approprier les lieux…

A. H.